À Poêle

François Perret

Dans ce nouvel épisode, nous avons la joie de recevoir François Perret. 

Chef pâtissier du Ritz Paris depuis 2015, François Perret donne le LA pour tout ce qui concerne le sucré au sein du palace de la place Vendôme. Sur place, il produit un travail, mêlant habilement technique et ludique, et met sa rigueur toute pâtissière au service d’une gourmandise assumée, presque enfantine, toujours de bon goût. Madeleines XL, biscuits réinventés, entremets trompe-l’oeil ou viennoiseries élégantes... en véritable directeur artistique du sucre, le chef joue avec les formats et les textures et surprend, épate, amuse et régale surtout. En dix ans, il a définitivement sucré le Ritz, comme il aime à le dire, qui le lui rend bien avec l’ouverture en ce début juin 2025 d’une deuxième boutique dédiée à ses délices, sur la Rive Gauche parisienne… 

Avec François, nous avons parlé de narration, d’architecture et de praliné.

Bonne écoute !

J.G. : Tu dis souvent que tu veux « raconter des histoires avec des gâteaux » : ça t’est venu comment, ce besoin de narration ?
F.P. : J'ai besoin de comprendre, j’aime avoir une lisibilité, que ce soit clair. Un client qui vient manger un dessert est là pour prendre du plaisir immédiat, pas pour aller chercher ce que le chef a voulu faire dans son subconscient. J’ai vraiment envie d’avoir quelque chose d’efficace, de droit au but. Je veux que ce soit parlant tout de suite, je ne veux pas qu’on réfléchisse, le seul qui doit réfléchir c’est celui qui crée le gâteau. L’autre est là pour s’abandonner à lui-même ou au gâteau. J’ai envie de raconter mon histoire et de faire comprendre ce qu’est pour moi le juste goût, le juste sucre. Dans chacune des créations que je fais, je mets beaucoup de moi. Tous les choix que je fais (la couleur, la crème), il y a eu des questionnements sur tout, il n’y a pas une chose laissée au hasard. Ce qui me plaît c’est le ludique, la simplicité du beau, des formes simples mais généreuses, avec des courbes, des galbes. La gourmandise est dans la rondeur. Notre métier est très technique, lui apporter cette légèreté est presque obligatoire pour le rendre encore plus gourmand, plus simple.

J.G. : C’est vrai qu’on pourrait dire que tes gâteaux ont une apparence simple, mais pourtant il y a toujours une surprise présente.
F.P. : Faire simple c’est compliqué, faire quelque chose de compliqué c’est simple. Arriver à faire un produit qui se suffise à lui-même sans artifice, c’est pas évident. Faire en sorte que ça tienne parfaitement c’est compliqué. J’aime pas les fioritures, ce qui dépasse, je veux avoir quelque chose de droit, de lisible immédiatement. J’ai envie qu’on ressente les textures du gâteau dès qu’on le coupe, transmettre une émotion au-delà même du palais, dès le premier regard sur le gâteau et dans la manière dont on va le couper. Je fais très attention à la façon de déguster un gâteau, c’est important d’avoir des bouchées similaires quasiment à chaque fois, une première surprise c’est important mais j’ai envie que cette surprise se reproduise à chaque bouchée, d’où les formats en longueur. On n’a rien inventé avec ce format au final, certains industriels l’avaient fait avant nous mais aujourd'hui ce sont des formats idéaux pour être le plus honnête du début à la fin.

J.G. : Tu parles des croissants, pains au chocolat, millefeuilles, sandwichs que tu as revisités en formats longs ?
F.P. : Quand on a la chance d'être dans une maison comme ça, ce qui me motive c’est de ne pas faire ce qui se fait ailleurs, ça n'a aucun intérêt pour moi. Je ne le faisais déjà pas avant, donc encore moins en arrivant ici. J'avais vraiment envie de créer une dynamique très personnelle avec une raison à chaque choix. Je n'ai pas fait un croissant en longueur juste pour qu'il soit différent mais parce que je trouvais qu'à manger c'était plus facile. Le pain au chocolat en longueur permet d'avoir du chocolat à chaque bouchée, car on a tous été déçus par un pain au chocolat classique, croissant sur les côtés, chocolat au milieu. Le mille-feuille doit pouvoir se prendre en marchant, le sandwich doit valoriser la garniture. Tout est réfléchi, jamais fait à la légère ou pour la seule esthétique.

“Ce qui me plaît c’est le ludique, la simplicité du beau, des formes simples mais généreuses. La gourmandise est dans la rondeur. Notre métier est très technique, lui apporter cette légèreté est presque obligatoire pour le rendre encore plus gourmand, plus simple.”

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J.G. : La pâtisserie est devenue un secteur très médiatisé notamment sur les réseaux sociaux, comment tu gères cela toi ?

F.P. : Je gère ça simplement. Je trouve que les réseaux sociaux aujourd'hui sont certes trop importants, mais en même temps, quand vous créez quelque chose, un gâteau, vous y mettez vraiment de l'énergie, vous faites en sorte qu’il soit différent, qu'il ressemble à aucun autre. Les réseaux sociaux, c'est magique pour montrer à beaucoup de monde ce que vous avez créé. Après, libre aux gens de venir ou pas, mais ça me paraît important de montrer que le produit existe.

J.G. : Aujourd'hui, les réseaux influencent beaucoup l'envie d’aller découvrir des lieux.

F.P. : Oui, mais il y a le danger que les gens consomment de l'image avant le produit. Quand on a ouvert le comptoir, la première cliente a dit : « c'est super, quand est-ce que vous changez la carte ? ». On voit quelque chose, on veut voir autre chose, c’est la société de consommation. C’est à nous, créateurs et artisans, de freiner cette frénésie créatrice et d’ancrer nos créations dans le temps, pour leur laisser le temps d'être appréciées, connues, et potentiellement devenir aussi intéressantes qu'une Charlotte aux fraises.

J.G. : C’est aussi une conquête du créateur d’arriver à donner envie de retrouver ce qu’on a aimé, de créer des iconiques.

F.P. : Si j'arrive à créer un gâteau qui sera encore là dans 10 ans, ou qui part et revient peut-être dans 20 ans, je serai le plus heureux du monde. Le plus important c'est la durée, sans jeu de mots. C'est le plus dur, de durer dans la dynamique qu'on se donne, parce que le monde va très vite, tout en continuant de prendre du plaisir. Si vous n'êtes pas dans le plaisir, vous ne pouvez pas donner. Le prochain défi, c'est de sucrer un peu plus Paris avec cette nouvelle ouverture du Ritz, une maison unique pour moi.

Photos © Bernhard Winkelmann / © Vincent Nageotte


Où goûter ce qu’il a dans la poêle ?
Ritz Paris
15, place Vendôme
75001 Paris

Ritz Paris Le Comptoir
38, rue Cambon
750O1 Paris

45, rue de Sèvres
750O6 Paris

Où le suivre ?
@francoisperret
@ritzparislecomptoir