À Poêle

Bertrand Chauveau

Dans ce nouvel épisode, nous avons la joie de recevoir Bertrand Chauveau.

Bertrand Chauveau est chef et cofondateur du Cornichon, ce vrai-faux PMU qui agite le 11e arrondissement parisien depuis son ouverture en juin 2024. Avec son associé, ils ont réussi un coup de maître : fonder un lieu de vie tout neuf qu’on croirait là depuis toujours où se croisent aussi bien une faune branchée que des habitants du quartier et des ouvriers qui passent par là. Que ce soit pour un café serré au comptoir, une assiette de frites maison cuite à la graisse de bœuf, une bière au soleil ou un ticket à gratter, chacun y trouve son compte. Mais c’est aussi et surtout dans l’assiette que ça se joue, où cet ancien de David Toutain et Jean-François Piège dégaine des classiques de chez classiques (salade d’endives, poisson pané…), avec un petit truc en plus. 

Avec Bertrand, nous avons parlé de merlan en colère, d’affaire d’angle, de la Française des Jeux et de processus. 

Bonne écoute !

J.G. : Tu as travaillé dans des établissements gastronomiques et étoilés. Avec le Cornichon, as-tu eu l'impression de "régresser" en termes de type de restaurant ?
B.C. : Pas vraiment. Peut-être qu'un jour je me poserai la question, mais pour l'instant, non. En fait, c'est comme tout : on crée, on avance. Je pars du principe qu'on fait une cuisine assez simple, mais que je peux moderniser grâce à mon bagage technique. Cette technique me permet justement de l'amener ailleurs. Pour l'instant, je m'attaque vraiment à la cuisine française. La seule chose qui pourrait me faire douter, c'est la peur de m'ennuyer. Est-ce que ça va me manquer de créer de manière plus pure, comme je le faisais dans les restaurants gastronomiques ? Se lever le matin avec l'envie de tester de nouvelles recettes ? Peut être mais aujourd'hui, j'ai gagné en liberté. J'exploite ma créativité autrement : les cocktails, la déco, le merchandising, le concept du lieu, les réseaux sociaux... Avant, ce n'était pas chez moi, je n'avais pas cette marge de manœuvre. Aujourd'hui, je m'éclate vraiment à jouer avec plein de domaines, pas seulement la cuisine.

J.G. : Comment es-tu arrivé dans la cuisine ?
B.C. : Ma famille ne cuisinait pas beaucoup, donc je ne vais pas te sortir l'histoire de la grand-mère qui m'a tout appris ! J'étais très gourmand et j'ai vite commencé à cuisiner seul. Quand j'étais scout, je faisais à manger dans la forêt, je faisais des feux pour cuire les aliments. J'adorais ça : faire les courses, préparer les repas pour tout le monde, maîtriser la cuisson au feu de bois. Puis, en 4ème, j'ai visité Ferrandi lors d'une journée portes ouvertes. Coup de cœur ! J'ai tout de suite su que je voulais devenir cuisinier. Ça m'a motivé à aller jusqu'au bac et à intégrer Ferrandi pour faire le bachelor. Et pendant mes étés, j'ai fait des stages, notamment au restaurant Taxi Jaune. C'était un peu à la dure et à l'ancienne, mais ça m'a mis le pied à l'étrier. J'ai gravi les échelons au fur et à mesure.

J.G. : Comment as-tu fait le switch de la gastronomie à la "PMU-nomie" ?
B.C. : C'était tout un processus. Après mon apprentissage, j'ai eu la chance de faire l'ouverture du Grand Restaurant chez Jean-François Piège. C'est vraiment là que j'ai appris à cuisiner, j'y ai gravi tous les échelons. Ensuite, chez David Toutain, j'ai découvert une organisation très différente, plus technique, intellectuelle, anglo-saxonne. Mais j'avais toujours cet attrait pour la cuisine française. David se moquait de moi en disant que j'allais finir par faire des côtes de bœuf ! Après le Covid, c'était le moment. L'idée du Cornichon est venue de façon brute. Avec mon associé, on voulait racheter un bar-tabac, le retaper un peu sans dénaturer son esprit. Garder la Stella Artois à son prix, proposer une carte accessible, un mix entre le kitsch et le chic, avec une touche de cuisine bourgeoise. C'est comme ça que Le Cornichon est né.

“Avant tout, Le Cornichon est un lieu de vie.
Il est ouvert de 9h à 2h, 7 jours sur 7,
ce qui crée plusieurs ambiances
et attire une clientèle très variée.”

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J.G. : Comment décris-tu ton lieu ? 
B.C. : Avant tout, c'est un lieu de vie. Il est ouvert de 9h à 2h, 7 jours sur 7, ce qui crée plusieurs ambiances et attire une clientèle très variée. Le matin, ce sont des habitués du quartier, des gens qui viennent de déposer leurs enfants à l'école, des travailleurs en télétravail, des livreurs, des ouvriers qui prennent un café à emporter. Le midi, on a une clientèle de quartier mais aussi de destination qui vient exprès pour découvrir le Cornichon. Il y a un mélange social intéressant, avec des offres pour tous les budgets : un semainier à 22 euros, et une carte plus bourgeoise. En fin d'après-midi, les enfants rentrent de l'école, les gens se posent en terrasse. Puis le soir, c'est plus jeune, plus festif, avec une offre axée sur les cocktails et les assiettes à partager, mais toujours la possibilité de bien manger. Le Cornichon ne s'arrête jamais. C'est la clientèle qui lui donne son identité ! 

J.G. : Qu'est-ce que tes expériences passées t'apportent concrètement ?
B.C. : Beaucoup ! Elles m'ont surtout appris ce que je ne voulais pas reproduire. On est arrivé à un moment où le fonctionnement des restaurants évolue. Avec mon associé, on voulait poser de bonnes bases dès le départ. On structure bien notre organisation : briefing d'équipe, groupes WhatsApp... Le Cornichon n'est pas juste un restaurant, c'est une entreprise avec de nombreux salariés et un gros volume d'achats, commandes etc. Aujourd'hui, il existe des applications incroyables pour tracker les commandes, les stocks, les achats. Le cuisinier est devenu multitâche ! Chacun a des missions bien définies, ce qui nous permet de sortir des schémas archaïques et de travailler plus intelligemment.

Photos © Anaïs Coudon


Où goûter ce qu’il a dans la poêle ?

Le Cornichon
2, rue des Goncourt
75011 Paris

Où le suivre ?
@lecornichon.paris