À Poêle

Benoît d’Onofrio

Dans ce nouvel épisode, nous sommes ravies de recevoir Benoît d’Onofrio, plus connu dans le milieu sous le nom du “Sobrelier”.

Avant de devenir sommelier puis sobrelier, Benoît d’Onofrio a eu mille vies : basketteur, musicien. Le service des flacons est arrivé un peu par hasard, en dégotant un job à la Closerie des Lilas par nécessité économique. Il met un pied, puis deux dans le milieu et se passionne pour la chose liquide. En premier lieu les vins et spiritueux avant de s’intéresser, suite à un arrêt de l’alcool, à toutes sortes d’autres boissons. De fil en aiguille, il invente un nouveau terme pour définir ce qui est, presque, un nouveau métier qui renvoie en définitive à sa pratique première : être spécialiste des boissons au sens large, sans oeillère et sans injonction. Avec sa connaissance pointue du sans-alcool et ses breuvages maison limpides, Benoît ouvre avec une inclusivité bienvenue les chakras sur un monde liquide nouveau, source de plaisirs et de goûts inépuisables.

Avec Benoît, nous avons parlé longuement, et passionnément, d’étymologie, d’hospitalité, d’optimisation circulaire et de décoction de clémentine.

Bonne écoute !

JG : Ancien sommelier, tu t’es aujourd’hui auto-surnommé “sobrelier”, ça vient d’où et ça veut dire quoi ?

BO : Alors, je suis toujours sommelier, mais ayant réalisé que finalement la sommellerie, telle qu'on la pratique depuis plusieurs années, telle qu'elle nous est enseignée, et telle qu'on nous engage à la pratiquer, n'est pas au plus proche, et même très éloignée de ce que la sommellerie devrait être aujourd’hui. La sommellerie, sans remonter jusqu'à l'étymologie ou jusqu'aux premières pratiques concernant le service des boissons (je dis bien des boissons, puisque la sommellerie, après quelques années de vie du mot, consiste à proposer et sélectionner tous types de boissons), doit être en mesure de présenter toutes les boissons, celles qui ont une place à table, qu'elles soient alcoolisées ou non. En réalisant que j'ambitionnais davantage de coller à cette origine du métier, j'ai évidemment fait de la place aux boissons sans alcool. Voyant qu’il y avait assez peu de choses satisfaisantes sur le marché du prêt-à-boire, je me suis dit que je vais faire moi-même mes boissons pour tenter de coller à l'exigence que je m’impose face aux boissons alcoolisées.

JG : Ce nom de scène “le sobrelier”, tu l’as adopté il y a à peu près 1 an et demi ?

BO: C'est un mot qui est sorti de façon très spontanée, avant même que je choisisse. Il s'est écoulé du temps avant le moment où je me suis dit que c'était une façon de nommer mon activité. J'étais encore en poste à l'époque au restaurant Datcha. J'avais commencé à arrêter de boire à cette époque-là. C'était une première tentative d'arrêt de l'alcool sur le long cours, je peux même dire sur le cours éternel. Je me suis présenté à la table de clientes qui, me voyant arriver, m'ont dit : "On ne va pas être très drôles pour vous ce soir, car on ne boira pas." À quoi j'ai répondu : "Mais pas du tout, je suis aussi là pour servir des gens qui boivent autre chose que de l'alcool." Je leur ai dit très honnêtement que moi-même je ne buvais plus d’alcool et qu’en toute logique je m'intéressais aux personnes qui pouvaient boire autre chose que de l'alcool. Elles ont éclaté de rire, pensant que c'était une blague, car j'étais le sommelier qui venait vers elles pour leur vendre nécessairement du vin, et pas autre chose. Et très spontanément, je leur ai dit que je suis sobrelier. C’est vraiment sorti tout seul. Je l’ai gardé pour moi en quittant la table, après qu'elles aient éclaté de rire. Je me suis dit que ça sonnait bien, je l'ai gardé comme ça. Puis, c'est un truc qui est resté… Jusqu’à devenir mon nom de scène. Et peut-être de façon un peu ambitieuse, même finalement un nouveau métier.

JG : J’ai l’impression que de poser un mot sur ça, ça a aussi permis de donner une visibilité et de faire émerger quelque chose qui avait besoin de se faire appeler.

JG : Si on peut nommer ce nouveau métier qui est train d'émerger, c’est un sommelier qui est ouvert d’esprit
et qui est inclusif ?

BO : Je crois que le maître mot, c'est vraiment l'inclusivité. Le sommelier doit être spécialiste de la boisson au sens large, ce qui inclut évidemment différentes typologies de produits. Cependant, la sommellerie ne renvoie en rien étymologiquement à la boisson. Quand on s'attache uniquement à la pratique du métier, à la façon dont il s'est raconté à travers les gens qui l'ont exercé, on voit bien que cela n'est pas plus rattaché au vin qu’au fait de commander des couverts ou de laver la vaisselle. Finalement, on a structuré les étapes de restauration avec des gens spécialisés en cuisine, des spécialistes à l'accueil, et des spécialistes au service du vin.

JG : C'est un sujet qu'on n'aborde pas beaucoup, celui de travailler dans le milieu de la restauration, qui est un milieu d'excès même si ce n'est pas tout le temps le cas. Tu as des sollicitations tout le temps, et ce n'est pas facile de résister…

BO : On ne nous encourage pas à résister, on ne nous incite pas à résister. Ce qui est plutôt mieux admis, c'est d’être bon vivant, et cela ne concerne pas seulement la profession, mais un peu partout en fait. La bonhomie va de pair avec le gras, avec l’alcool, avec le "yolo", car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Je sais désormais que c'est l'avantage de voir les modèles se répéter. J’ai tendance à faire les choses avec passion, pour ne pas dire même avec excès. Je m’engage honnêtement, et je peux m’y engager au point de faire des choses de manière monomaniaque et trop approfondie. L'alcool a été le cas.

“J’ai appris auprès d’un sommelier qui m’a dit :
un sommelier qui ne connaît pas les eaux n'est pas n'est pas un bon sommelier.

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A bientôt pour un nouvel épisode d’À Poêle !